понеделник, 10 юни 2019 г.

La Bible d'Alexandrie, Paris, Cerf, vol. 1 : La Genèse, par Marguerite Harl et plusieurs collaborateurs,

Poublication: Nikola Benin, Ph.D

La Bible d'Alexandrie, Paris, Cerf, vol. 1 : La Genèse, par Marguerite Harl et plusieurs collaborateurs, 1986; vol. 2: L'Exode, par A. Le Boulluec et P. Sandevoir, 1989 ; vol. 3: Le Lévitique, par P. Harlé et D. Pralon, 1988 ; vol. 4: Les Nombres, par G. Dorival, 1994; vol. 5: Le Deutéronome, par C. Dogniez et M. Harl, 1992. 

Depuis le début des années 1980, un groupe d'universitaires français s'intéresse à la Septante en tant que monument de la langue grecque des IIIe et IIe siècles avant notre ère. Ce groupe est dirigé et coordonné par Marguerite Harl, professeur honoraire à la Sorbonně. M. Harl a donné par ailleurs1 un historique éclairant des études concernant la Bible, les Pères de l'Église, l'histoire du christianisme et du judaïsme anciens, telles qu'elles sont pratiquées depuis un demisiècle dans l'Université française. Elle souligne en particulier le rôle de la Sorbonně, du Centre Lenain de Tillemont, fondé par H.-I. Marrou, de toute une tradition dans laquelle elle s'inscrit elle-même et qui a fourni le terreau dans lequel sont nés l'intérêt pour la Septante et son étude méthodique. Ces travaux ne sont pas seulement le fruit d'une tradition de l'Université française. Ils reflètent également un intérêt croissant du monde savant pour la Septante. Nombreux sont les biblistes dans divers pays d'Europe, aux Etats-Unis, au Canada, en Afrique du Sud, voire au Japon, qui travaillent la Septante. On peut signaler, comme illustration impressionnante du travail accompli sur la Bible grecque, l'entreprise de longue haleine menée au Septuaginta-Institut de Gôttingen : l'édition livre par livre du texte grec de la Septante avec un apparat critique exhaustif. C'est dire que les auteurs de la collection ici présentée ont su voir les « signes des temps » et ont engagé une entreprise d'envergure. Ils répondent à une attente et participent à un mouvement intellectuel international. La collection La Bible d'Alexandrie (BA) se propose de traduire en français la Septante livre par livre. Sept volumes sont parus à ce jour : les cinq livres du Pentateuque, le Livre de Josué/ Jésus, et désormais le Premier livre des Règnes. On présentera ici les livres du Pentateuque qui donnent le ton pour toute la série à venir. La traduction grecque des Septante (dont le nom abrégé, la Septante, s'est désormais accrédité) est une œuvre juive, commencée et, pour une large part, menée à bien, à Alexandrie en Egypte. Ce que les soixante-dix (ou soixante-douze) savants dont la tradition nous parle 1 . Voir l'introduction de Le déchiffrement du sens. Études sur l'herméneutique chrétienne d'Origène à Grégoire de Nysse, Paris, Études Augustiniennes, 1993. Revue de l'histoire des religions, 215-2/1998 COMPTES RENDUS 289 ont traduit, ce sont les livres qui constituent ce que les Chrétiens appelleront l'Ancien Testament. Parmi ces livres traduits, certains ne seront retenus ni par les Juifs ni par les Chrétiens dans leurs canons respectifs (comme par exemple les troisième et quatrième Livres des Maccabées) ; d'autres feront l'objet de décisions divergentes en ce qui concerne leur présence dans le canon : c'est le groupe des Deutérocanoniques. La Septante intéresse d'abord les auteurs, hellénistes, de la collection В A en tant qu'œuvre de langue grecque. Ils traduisent le texte grec donné par l'édition manuelle de Rahlfs (première édition 1935; plusieurs réimpressions depuis et un coût peu élevé). Les volumes de В A ne comportent donc pas le texte grec afin de n'alourdir ni leur poids ni leur prix. L'idée directrice de l'entreprise est que la Septante, bien qu'elle soit une œuvre seconde par rapport à l'original qu'elle traduit, devient une œuvre-source pour ceux qui la lisent dans leur propre langue. Cela est particulièrement vrai pour un ouvrage aussi important que la Bible, le Grand Code dont parle N. Frye : même sous forme de traduction, elle engendre, dans une culture donnée où elle est reconnue comme parole de Dieu, des commentaires, des représentations, en un mot toute une vie intellectuelle et spirituelle. La Septante contribue d'abord à la vie de la Bible. Au point de vue de l'histoire du texte biblique, l'antique traduction fournit une sorte de « photographie » du texte hébraïque tel qu'on pouvait le lire deux et trois siècles avant notre ère. Elle est notre plus ancien témoin complet de l'Ancien Testament, l'accès à un état du texte hébraïque qui connaîtra encore, selon les livres, d'importantes fluctuations jusqu'à l'époque des massorètes. Les volumes de В A signalent ainsi en note les écarts entre le texte massorétique de l'Ancien Testament et la Septante. Ils mentionnent également, ici et là, la place qu'occupe le texte grec et l'apport qu'il constitue parmi les témoins textuels de la Bible ancienne, dont les manuscrits de Qumran sont des représentants désormais bien connus. De manière particulière, le volume 2 de В A, L'Exode, propose en italiques dans la traduction française les additions et les écarts du grec par rapport à l'hébreu, signalant en note les «omissions» du grec. Un tableau (p. 69 de ce même volume) établit une concordance (nécessairement approximative) entre plusieurs chapitres de L'Exode, selon le texte hébreu et selon le texte grec, organisés différemment dans les deux formes textuelles. C'est un bon exemple pour illustrer comment la Septante peut témoigner d'une autre logique qui existait dans la composition d'un texte ; elle rend plus attentif le lecteur de la Bible hébraïque à la logique de son propre texte, puisqu'elle montre qu'une autre organisation était possible et que l'ordre de l'un et de l'autre manifestent des options différentes, par la mise en valeur contrastée des mêmes éléments. Revue Je l'histoire des religions, 215-24998 290 COMPTES RENDUS Un autre grand enrichissement qu'apporte la Septante réside dans les choix syntaxiques et sémantiques que toute traduction requiert. La traduction est sans cesse obligée de formuler autrement et de prendre parti; la Septante peut faire figure en ce sens de plus ancien commentaire suivi de l'Ancien Testament. Les auteurs de В А sont particulièrement attentifs à cet aspect, et ils excellent à comprendre ce que les traducteurs grecs ont eux-mêmes compris et ont essayé de rendre. Les notes abondent en remarques philologiques et sémantiques. Ce travail s'appuie sur l'immense corpus des textes traditionnels de la littérature grecque, mais aussi sur les documents épigraphiques et papyrologiques. Les importantes découvertes de papyrus grecs d'Egypte nous éclairent infiniment mieux aujourd'hui sur la langue parlée et écrite à l'époque hellénistique et romaine. Plusieurs papyrologues sont associés au travail de В A. La Septante utilise donc les ressources de la langue grecque, éclaire avec les ressources de cette langue le texte hébreu parfois obscur. Elle enrichit aussi le grec : elle crée des mots nouveaux, fournit en tout cas les premières attestations de certains d'entre eux. « Les "néologismes" du Deutéronome, écrivent M. Harl et C. Dogniez (BA, vol. 5, p. 64) ont des formes tout à fait grecques (ce ne sont pas des barbarismes, ni même du jargon "judéo-grec") : pour la plupart, ce sont des composés formés sur des mots usuels. » II s'agit alors d'apprécier de livre en livre l'équilibre entre « littéralisme et grécité » (ibid., p. 30). La traduction ne se contente pas d'adapter en grec ce qui lui est étranger ; elle puise dans le génie propre de la langue grecque des richesses anciennes ou jusque-là peu exploitées pour rendre au mieux les tournures hébraïques. L'introduction au Lévitique comporte une étude, la plus pertinente qui soit, me semble-t-il, sur le sujet, intitulée : « Le style du Lévitique des Septante. Un grec de traduction et ses effets dans la langue grecque» (p. 47-81). Les auteurs placent la problématique dans le cadre de la création littéraire et l'on peut leur rendre grâce d'avoir souligné l'idée, trop peu à l'honneur par ailleurs, qu'une traduction travaille aussi pour la joie du lecteur : « Si l'on entreprend d'expliquer le style propre d'une traduction (en l'occurrence du Lévitique), il faut prendre en compte et le travail du rédacteur, ses modèles, ses choix, et la capacité du lecteur et de l'auditeur à comprendre dans sa propre langue les façons de dire... même les plus étranges. Au traducteur est imposée l'audace; du lecteur sont requises l'attention et la bienveillance. Tout cela pour faire naître le plaisir du texte. Car pour être religieux, le texte ne doit pas moins séduire et plaire » (p. 50). A ce propos, l'entreprise elle-même de la Bible d'Alexandrie offre un travail de traduction de la traduction grecque qui prêche par l'exemple. L'effort de traduire, le souci d'expliquer dans les notes, à Revue de l'histoire des religions, 215-2/1998 COMPTES RENDUS 291 quels problèmes on s'est confronté, à quelles différences on aboutit par rapport aux traductions françaises de la Bible hébraïque, sont déjà des commentaires précieux et font sentir quelque chose du travail des antiques traducteurs grecs. Traduire, traduire en continu, révèle les problèmes et les aspérités du texte que de longues explications n'auraient pas si bien mis en lumière. Si le texte de la Septante ne peut s'apprécier que par référence à la langue grecque qui le précède ou qui l'entoure, il devient lui-même source de nouvelles façons de dire et matrice d'interprétations. La Septante met au point, en particulier, un vocabulaire et des expressions qui seront ceux du Nouveau Testament. Elle fait figure en quelque sorte de médiation, et contribue en cela encore à la vie de la Bible. La part la plus importante des notes dans les volumes de BA concerne ce rôle de source que joue la Septante. Chaque verset fait l'objet d'un choix de commentaires anciens, développés par des auteurs juifs ou chrétiens de langue grecque. Les notes ne visent pas à l'exhaustivité, mais veulent donner une idée de la richesse des spéculations, voire de l'iconographie ancienne faites à partir du grec. Bien des cas de figures sont alors possibles. Le plus souvent, la Septante ne dit rien d'autre que ce que le texte hébreu dit déjà, et l'on aura des interprétations semblables chez ceux qui commentent l'hébreu et chez ceux qui commentent le grec. Dans ce cas, pour certaines leçons difficiles du texte hébreu, ilest utile de constater que la Septante les reflètent déjà : on ne saurait alors corriger trop hâtivement l'hébreu en telle occurrence puisque le grec ne l'a pas fait ; il atteste qu'une expression difficile est ancienne et ne semble pas le fruit amer d'une erreur tardive. Parfois la Bible grecque amorce des développements que seul le texte grec permet. La Septante peut aussi attester par telle addition, tel choix lexical, une tradition d'interprétation dont d'autres documents, extérieurs à la Bible, témoignent eux aussi. Un exemple : la célèbre prière du Shema Israel, en Dt 6, 4ss, est introduite en grec par une brève addition qui reprend la phrase liminaire du Décalogue (Dt 4, 45). Elle montre une association de ces deux textes essentiels, liaison qu'établissent également tel papyrus hébraïque ou encore le texte de la Mishna. Ces «phénomènes d'intertextualité » dont la Septante est la promotrice ou un témoin privilégié sont étudiés pour eux-mêmes dans l'introduction du livre des Nombres {BA, vol. 4, p. 66-72). Les volumes de la В A se recommandent par un jeu d'équilibres divers. La traduction française et les notes donnent à chaque verset son poids particulier ; mais les notices des introductions fournissent d'emblée des éléments de synthèse qui permettent d'aborder sans se perdre les particularités éparses rencontrées au fil du texte. Revue de l'histoire des religions, 215-2/1998 292 COMPTES RENDUS Les volumes s'inscrivent dans une collection ; ils sont bâtis chacun sur un schéma semblable. Pourtant chacun a sa personnalité et privilégie des aspects spécifiques. La Genèse est davantage programmatique ; même les questions propres à la Genèse qui sont évoquées en introduction concernent en fait l'ensemble du Pentateuque, voire la Septante tout entière ; par exemple : « Le Dieu des Hébreux et ses noms grecs» (p. 49-54). L'Exode est plus fondé sur une comparaison du grec et de l'hébreu et offre une très importante recherche sémantique sur le vocabulaire cultuel. Le Lévitique met en valeur la réflexion sur la langue de la Septante, ses effets, ses procédés et sa saveur. La longue introduction des Nombres propose une étude quasi exhaustive des principes exégétiques qui ont guidé les traducteurs de ce livre. Le Deutéronome se conforme au caractère récapitulatif de ce livre et le présente dans l'économie générale du Pentateuque. Bien que В A se veuille, d'après l'introduction de la Genèse (p. 12), un outil de travail offert « aux historiens et aux patrologues », on peut dire que ce volume et les suivants dépassent de beaucoup ce but, sachant que ce but lui-même est atteint. Les volumes offrent aux biblistes un instrument de travail incomparable. Ils équilibrent, me semble-t-il, l'approche «documentaire» du texte hébreu du Pentateuque, en rappelant que ce texte était aussi lu comme un tout, la traduction globale témoignant de cette lecture coordonnée. Ce ne sont donc pas seulement les lecteurs anciens qui nous montrent qu'ils lisent le texte biblique comme un tout cohérent ; par la traduction, c'est la Bible elle-même qui se présente comme telle et demande à être lue comme telle. Il n'est pas question de s'appuyer sur la Septante pour légitimer une lecture naïve du texte biblique qui ignorerait les immenses et fructueux travaux des exégètes; il s'agit simplement d'accueillir la traduction grecque comme le témoignage d'une cohérence affirmée. Le Pentateuque grec met ainsi en place des réseaux d'intertextualité qui établissent des liens, parfois entre des textes réputés d'origines diverses. C'est là un appel pour penser à la fois et la diversité de ces provenances que l'exégète suppose au terme d'analyses rigoureuses, et la cohérence du texte achevé dont la traduction grecque est le témoin privilégié. On peut souligner enfin l'importance d'une entreprise comme la Bible d Alexandrie à notre époque où le dialogue des cultures et des religions est tellement important. La collection apporte une contribution précieuse à ce genre d'études parce qu'elle travaille dans la matière même des textes, des mots. Il n'y a pas de meilleur lieu pour déjouer d'emblée les précompréhensions, les grandes idées creuses. Il n'est pas du tout inutile de rappeler par exemple que la traduction par psuchè du terme hébreu qui désigne le principe vital d'un être n'est en rien l'hellénisation intempestive et «dualisante» d'une anthropologie biblique qui serait, elle, unifiante et «concrète». Le Revue de l'histoire des religions, 215-2/1998 COMPTES RENDUS 293 mot psuchè « reçoit de ses contextes les diverses connotations de l'hébreu nèphèsh» (BA, vol. 1, p. 60). On peut dire que la modestie initiale du projet fait la grandeur de l'œuvre déjà accomplie : beaucoup est dit dans les notes accumulées avec clarté et beaucoup reste à découvrir si l'on veut s'engager dans les pistes de toutes sortes qui sont proposées. Cette collection peut être recommandée à un public large, soucieux de découvrir la Bible autrement, de goûter la saveur des mots et «de traquer la sagesse depuis le commencement de sa genèse » (Sagesse de Salomon 6, 22). Philippe Lefebvre. Melhem CHOKR, Zandaqa et zindlqs en islam au second siècle de l'hégire, préface de D. Gimaret, Damas, Institut français de Damas, 1993, 350 p. D'une doctrine qu'il désapprouvait avec force, un très orthodoxe théologien de l'âge classique de l'islam, Abu Ishâq al-Isfarâ'ïnï (m. 418/1027), écrivait qu' « elle débutait par des sophismes et débouchait sur la zandaqa». A l'époque et plus tard, ce terme d'origine pahlavie désignait de manière très indéterminée tout ce qui répugnait gravement à l'orthodoxie religieuse et, en l'occurrence, il pourrait être traduit par «hérésie». Mais avant d'acquérir cette signification simple et dans un contexte différent et plus complexe, celui de l'élaboration d'une orthodoxie et d'une orthopraxie musulmanes, le terme de zandaqa (dont l'adepte est appelé « zindïq », plur. : « zanâdiq » ou « zanâdiqa ») a été utilisé pour nommer un ensemble de personnalités dont les doctrines ou les comportements furent jugés suffisamment préjudiciables pour motiver, parfois, leur élimination physique. Nous restions jusqu'à présent très ignorants et de ce que désignait précisément cette zandaqa et a fortiori de ce qui avait déterminé la nomination durant la deuxième moitié du IIe siècle de l'hégire d'un inquisiteur, le « sâhib al-zanâdiqa », chargé de statuer sur le sort des zanâdiq. Le livre de M. Chokr montre à l'évidence que les choses étaient très complexes, que la zandaqa ne recouvrait pas une réalité homogène et que ceux qui furent reconnus comme zanâdiq l'ont été pour des raisons multiples relevant certes toutes du religieux, mais du religieux entendu au sens le plus large. Les déviances doctrinales (par rapport à la manière dont Г «unicité divine», le tawhïd, était entendue par les théologiens de l'époque), éthico-légales (par rapport à la Loi révélée, la sarï'a, telle qu'interprétée par les légistes) et politiques (par rapport aux fondements de la légitimité du califat abbâside fraîchement établi) furent autant d'attributs de la zandaqa de sorte que ce sont des penseurs, des poètes, des libertins et des opposants 

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